Les bibliothécaires : Intermédiaires entre l’oeuvre et le public
Pour démocratiser les œuvres numériques, il est nécessaire que les bibliothèques en fassent la promotion en les intégrant à leurs catalogues et qu’elles les proposent lors d’ateliers jeunesse. En plus de fidéliser le public à la structure, ces ateliers seraient alors l’occasion pour les bibliothécaires de présenter la richesse de l’offre culturelle aux enfants mais également à leurs parents.
Dans les lieux où elles sont déjà mises en place, ces expériences de découverte se déroulent principalement autour d’applications numériques et servent deux buts. Elles sont soit employées pour valoriser les collections de livres physiques, soit mises à profit afin d’apprendre aux enfants à utiliser les objets tactiles en respectant des règles et en focalisant leur attention sur le contenu de ces œuvres.
Evidemment, c’est ce second objectif qui a notre sens permettra de renouveler l’image des livres numériques.
Évidemment, il y a un hic. S’équiper coûte cher et seules les structures qui en ont les moyens financiers offrent un aperçu des nouvelles missions dont pourraient être investies les bibliothécaires à l’ère numérique.
Si en France certaines structures sont touchées par des difficultés budgétaires, en Grande-Bretagne, c’est pire. Là-bas, l’accès au numérique pour la jeunesse est réduit aux ordinateurs dans beaucoup de bibliothèques que la fracture numérique y est la plus flagrante. Le problème est tel que le gouvernement britannique a lancé, en 2016, une opération de modernisation numérique visant à équiper les bibliothèques publiques du pays avant 2022.
Pendant que ces opérations de modernisation se mettent en place, la crainte des parents envers les écrans a augmenté et leur appétence pour les œuvres interactives a diminué. Au départ, c’était nouveau, c’était chouette, ça donnait envie.
Aujourd’hui, comme l’exprimait déjà la docteur en psychologie Claire Bélisle en 2004, « la demande pour ce type de dispositif n’est pas très visible ». En face, « le livre papier représente toujours un optimum de confort visuel et d’accessibilité ».
N’est-ce tout de même pas ironique ? Les caractéristiques qui faisaient autrefois le charme de ces expériences de lecture sont celles qui représentent désormais leur plus grand problème.
Que se cache t-il derrière le miroir noir ?
Les expériences de lecture dématérialisées, victimes de l’écosystème numérique ?
Accrochez-vous bien, ça se corse !
Les nouvelles expériences de lecture inédites et interactives qui ont vu le jour ces dernières années se sont heurtées aux difficultés inhérentes à l’écosystème numérique et nous considérons que c’est ce qui a compliqué l’évolution de ce segment.
La première explication est à trouver dans le manque d’interopérabilité de formats et des verrous numériques apposés à la plupart de ces livres. Étant soumis à des formats prioritaires, les utilisateurs ne peuvent se fournir chez les producteurs de leurs choix et lorsqu’ils « achèt[ent] un document pour une tablette X, [ne peuvent] pas le transférer sur une autre machine ».
Beaucoup d’ebooks sont soumis à des Digital Rights Management (DRM) qui limitent la consultation d’un document. Ces verrous modifient l’expérience littéraire du public. Ils rendent l’accès à l’œuvre fastidieux et renvoient l’image d’un livre qui ne serait plus qu’un fichier informatique. Un fichier que le lecteur ne possèderait jamais vraiment.
Le numérique : une ressource ambivalente dans le marché des livres jeunesse
De cet ensemble, se dégage finalement l’idée que la transformation numérique a eu des effets ambivalents dans l’industrie du livre pour la jeunesse.
Si le numérique a permis de développer de nouvelles formes de lecture et permis à de nouveaux acteurs d’entrer dans le secteur jeunesse, les difficultés rattachées à son écosystème ont découragé les prescripteurs dans l’adoption de ces expériences numériques. La lecture numérique paraît trop écartée de l’expérience de lecture traditionnelle et ne convainc pas les prescripteurs.
L’enquête britannique « The digital reading habits of children » parue en 2016 a observé les différences dans la nature des échanges lors d’une « lecture partagée » d’une même œuvre au format papier et au format numérique. Le résultat montre que les échanges découlant de la lecture du livre papier concernent le récit, tandis que les conversations portant sur l’œuvre lue à partir d’une tablette portent principalement sur l’objet numérique. L’interactivité inquiète les adultes car les jeunes sont avides d’interactivité et tendent à se détourner de la partie littéraire d’une œuvre tactile au profit des interactions proposées.
Nous n’oublierons pas de mentionner que ce qui perturbe aussi le prescripteur, c’est de perdre sa position d’accompagnant à la lecture au cours de ces expériences numériques. Elles rendent caduc le contrat de lecture qu’il a toujours connu. Malgré tout, certains éditeurs ont su trouver un compromis entre littérature et expérience numérique avec les livres augmentés.
Si vous êtes intéressé par les contenus numériques pour enfants, je vous invite à lire notre article sur nos applications préférées pour enfants. Dans le cas où votre truc, c’est plutôt les livres, pas de problème on en a un tas à vous recommander !